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François-Xavier Lucas, professeur à l’école de droit de la Sorbonne (Paris I) / Un art difficile...
Propos désabusés sur la loi Macron, ce leurre proposé par un législateur qui recule devant l’obstacle...
Légiférer est un art difficile...
Alors que le pays s’enfonce dans une crise d’une gravité d’autant plus grande que sa mesure ne paraît pas être prise par nos dirigeants hébétés, la loi Macron, que le Parlement s’apprête à voter, loin de s’attaquer aux déficits abyssaux et au train de vie de l’État – pourtant la seule question qui vaille –, loin de réformer notre archaïque Code du travail, notre ubuesque sécurité sociale ou encore notre sovietoïde Éducation nationale, vient persécuter les professionnels du droit, serviteurs zélés d’un État qui ne leur marque guère sa reconnaissance d’avoir été des pourvoyeurs d’emplois, des contribuables soumis, voire de dociles percepteurs d’impôts. Non, tout doit disparaître ! Rien ne doit subsister de ces professions réglementées pourtant inscrites dans l’ADN de notre droit. Notaires, greffiers de tribunaux de commerce, administrateurs et mandataires judiciaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats, tous ne mourront pas, mais tous seront frappés puisqu’aucun n’échappera à la tyrannie de la concurrence, toise sous laquelle tous vont devoir passer au risque d’y perdre leur âme.
Le meilleur exemple de cette mauvaise manière faite aux professions du droit est offert par cet étonnant projet de fusion des huissiers de justice et des commissaires- priseurs judiciaires, qui va obliger ceux-ci à s’unir à ceux-là pour un destin commun qu’ils envisagent probablement plus sur le registre du pire que du meilleur. Car c’est un couple mal assorti que celui des huissiers – coursiers à mobylette qui notifient les actes rédigés par d’autres – et de ces raffinés commissaires- priseurs judiciaires, que tout sépare. Quel huissier est aujourd’hui capable de mener une vente judiciaire ? Quel commissaire-priseur judiciaire sait piloter une mobylette ? Il est vrai que le projet de départ était encore plus aberrant puisque cette union morganatique devait se pimenter d’une perversion supplémentaire, celle du ménage à trois auquel aurait conduit l’absorption des mandataires judiciaires par la nouvelle profession de commissaire de justice, sort funeste auquel un revirement de dernière minute fait finalement échapper ces bienheureux auxiliaires de justice.
Si la situation n’était pas si grave, on serait tenté de s’amuser d’un projet aussi décalé. À l’heure du « Suicide français », alors que les mauvaises nouvelles se succèdent à un rythme toujours plus soutenu et que notre économie dévisse, dégringolant dans tous les classements à l’exception de celui du plus fort taux de chômage pour lequel notre pays caracole en tête de toutes les compétitions, il est difficile d’être plus à côté de la plaque. Pour trouver remède à ce déclassement de la France, à sa paupérisation et à tous ces archaïsmes qui font que les entreprises n’ont plus le choix qu’entre la délocalisation et la liquidation – la valise ou le cercueil – tant un État obèse et inefficace les accable de charges et leur inflige une indigestion de lois ubuesques, notre sémillant ministre de l’économie n’a rien trouvé d’autre que de réformer la juridiction consulaire et les professions du droit... L’honnêteté impose de dire qu’il propose aussi de promouvoir le transport en autocar et d’ouvrir les magasins le dimanche (Ah ! ce bel idéal de la galerie marchande ouverte 7 jours sur 7... Roulez Caddies !). N’est pas Portalis qui veut. Là où l’on attendait un autodafé du code du travail, la réduction drastique du train de vie de notre État glouton et quelques autres audaces propres à contrarier le cours des événements, on découvre un catalogue de réformettes, destiné à amuser la galerie et avec elle les cerbères de Bruxelles.